Mousses à foisonnement : efficaces et écolos !
Pour des risques spécifiques, on recourt à un mélange eau plus additif – un émulseur – pour générer de la mousse. Le principe est assez simple. Le déploiement, un peu moins, car les mousses n’ont pas toutes les mêmes caractéristiques et applications...
On les voit souvent installés pour lutter contre l’incendie des cuves de stockage d’hydrocarbures ou dans des entrepôts afin de limiter au maximum les effets d’un feu dans des racks. Mais qui sont-ils ? Il s’agit des systèmes d’extinction à mousse. Bas, moyen ou haut foisonnement, chacune de ces solutions répond à des risques précis et requiert au préalable une étude approfondie du risque, des matières stockées et du site. « Avant de déployer une solution d’extinction à mousse, qu’il s’agisse de bas, moyen ou haut foisonnement, il est impératif de se livrer à une étude du risque et de la typologie du site, confirme Éric Chignard, expert extinction chez Siemens. Par ailleurs, le déploiement de ce type d’extinction requiert une véritable expertise, tant du fabricant que de l’installateur ou du bureau d’études. On ne peut donc s’improviser spécialiste de la mousse à foisonnement. » Cependant, si on est conscient de certaines données techniques et contraintes réglementaires, le recours aux mousses à foisonnement peut s’avérer très efficace.
La mousse, qu’est-ce que c’est ?
« Rappelons qu’une mousse est un mélange d’air et de solution moussante constituée d’eau et d’un faible pourcentage d’émulseur, explique Gilles Mangialenti, responsable département systèmes automatiques chez Desautel. Cet assemblage de bulles, non agressif vis-à-vis des matériaux et plus léger que les liquides, est envoyé sur la surf ace du feu (cuvette de rétention associée au réservoir par exemple) ou dans le volume en feu afin d’éteindre l’incendie. »
Concrètement, la mousse étouffe le feu et le refroidit. L’étouffement par la couverture isolante de mousse empêche l’apport d’oxygène vers le liquide en feu, arrête les émissions de vapeurs inflammables et isole les flammes du combustible. « Mais il faut faire attention, ajoute l’expert de Desautel. Certains fluides ou turbulences peuvent détruire une mousse. Le type d’émulseur et le mode d’application doivent donc être adaptés au risque. »
Quand l’utilise-t-on ?
Les mousses à foisonnement sont généralement utilisées quand l’eau se révèle inefficace. « C’est le cas des feux de liquides inflammables ou dans le cas où il faut noyer de grands volumes comme dans les entrepôts », explique Frédéric Proust, directeur stratégie produits chez Tyco F&IS. On peut aussi utiliser la mousse pour les feux de surfaces horizontales d’hydrocarbures liquides, de produits polaires comme les alcools, amines, cétones… Mais attention, il est préférable de ne pas l’utiliser pour les liquides en feu dont la température d’ébullition est supérieure à 100°C (risques de slop-over*...), ceux pouvant libérer de l’oxygène lors de la combustion, ceux qui réagissent avec l’eau (acides, oxydes...) ou les feux d’origine électrique, cela à cause de sa conductivité.
Un principe simple ?
« Lorsqu’une installation mousse à haut foisonnement se déclenche, après une détection incendie conforme à la règle Apsad R7 ou via un réseau pilote sprinkler, la moto-pompe démarre, explique Éric Chignard, expert extinction chez Siemens. On pompe l’eau d’une réserve, au passage de l’eau dans la tuyauterie on vient rajouter de l’émulseur. Ce mélange est alors projeté dans la cellule protégée grâce au générateur installé au plafond car on a besoin d’air pour créer la mousse. » Les principes généraux pour le bas et le moyen foisonnement sont assez similaires au haut. « Ce sont les applications qui changent, ajoute l’expert de Siemens. Et les débits qui varient de quelques litres à des milliers par minute. Dans les faits, ce ne sont pas les débits mais plutôt les taux d’application exprimés en l/min/m2 (rapport du débit de mousse sur la surface à éteindre) qui sont importants pour juger de l’efficacité d’un dispositif. »
Nettoyage et maintenance : à quel moment ?
« La mousse à haut foisonnement est très légère et a permis de noyer entièrement l’entrepôt, même dans des sites de stockage de grandes hauteurs allant de 5 à 10 m. Mais avant de nettoyer le local, il convient de laisser la mousse assez longtemps pour être sûr que le feu a bien été éteint et éviter tout risque de réinflammation », insiste Gilles Mangialenti. Après, il suffit d’attendre quelques heures que la mousse décante. On peut aussi pulvériser un produit qui va casser la mousse pour accélérer la décantation.
Et l’environnement dans tout ça ? « Certains émulseurs sont biodégradables à 99 %, précise Éric Chignard. D’autres le sont un peu moins. Il faut aussi prévoir la récupération des eaux usées et leur retraitement. Des systèmes de rétention sont installées sur tous les sites où sont déployés des systèmes à mousse. »
En termes d’écologie, il faut savoir qu’avec ces mousses, on utilise beaucoup moins d’eau qu’avec les sprinkleurs. « Cela peut aller jusqu’à quatre fois moins d’eau », ajoute Éric Chignard. Point de vue partagé par Gilles Mangialenti : « Pour un haut foisonnement de 500, il faut une hauteur de 1 cm d’eau pour obtenir une hauteur de 5 mètres de mousse. La consommation d’eau est donc très faible. On a par conséquent moins d’eau polluée à retraiter et on détériore moins ce qui est stocké. »
Le cadre réglementaire
=> Règle Apsad R12 : pour les installations haut foisonnement.
=> Norme européenne EN 13-565 : haut, moyen et bas foisonnement.
=> Règle américaine NFPA 11 : haut, moyen et bas foisonnement.
Un peu d’arithmétique...
Les propriétés et les applications des mousses dépendent principalement de leur taux de foisonnement et des émulseurs utilisés.
Taux de foisonnement (TF) : rapport du volume de mousse sur le volume de solution moussante (eau + émulseur).
Plus le TF augmente, plus la mousse est légère et son volume important, donc plus les distances de projection de celle-ci baissent et plus les capacités de « noyage » d’un volume augmentent :
TF<4 Mousse très bas foisonnement. Elle forme un gel
ou un film à la surface des liquides avec les émulseurs filmogènes, ce qui contribue à ralentir l’évaporation.
4<TF<20 Mousse bas foisonnement. Mousse lourde pouvant être projetée à de grandes distances. Elle est employée pour des installations fixes sur des réservoirs.
20<TF<200 Mousse moyen foisonnement. Principalement utilisée avec des dispositifs de projection et parfois dans des petites enceintes confinées (pour les feux proches du sol).
200<TF Mousse à haut foisonnement. Permet de « noyer » de grands volumes, mais résiste moins bien au feu que les autres mousses et peut être dispersée.
Le point de vue d’un professionnel :
Frédéric Proust, Directeur stratégie produits chez Tyco F&IS
« Un préalable incontournable : l’analyse approfondie du risque et du site »
« On utilise les mousses à foisonnement quand l’eau seule n’est pas suffisante, comme dans le cas des feux de liquides inflammables. Il faut cependant garder quelques règles précises à l’esprit avant de décider de l’emploi d’un additif. Son utilisation est indispensable quand la densité du liquide est inférieure à celle de l’eau : elle agit alors comme un vecteur de propagation. Par ailleurs, si le point d’ébullition du liquide est supérieur à celui de l’eau, cette dernière va vaporiser avant de pouvoir être efficace. Enfin, lorsque le point éclair des liquides inflammables est inférieur à la température de l’eau. Il faut aussi bien comprendre que malgré l’efficacité prouvée des mousses à foisonnement, on ne peut déployer ce type de solution sans se livrer à une véritable expertise du site, une étude du risque et de la topographie du site ou du local à protéger dans le cas d’un entrepôt logistique, par exemple. De plus, chaque fois que les produits stockés changent de nature et de caractéristiques, il faut se livrer à une nouvelle analyse du risque. D’une manière générale, on ne peut qu’inciter les responsables d’établissement, les bureaux d’études ou les installateurs, à raisonner en termes de spécificité. Tous les équipements sont spécifiques et un générateur donné a été testé avec un émulseur précis. Il y a donc un risque à vouloir combiner des composants dont l’efficience et l’efficacité n’ont pas été testées ensemble. »
3 Questions à... Éric Chignard, Expert extinction chez Siemens
Quels sont les différents types de mousses disponibles sur le marché ? Et pour quelles utilisations ?
On rencontre sur le marché trois types de mousses définies par le taux de foisonnement : bas, moyen ou haut. Chacune permet de protéger des risques différents. L’émulseur est un fluide à base de composants protéiniques ou synthétiques, qui mélangé à l’eau et après incorporation d’air, permet de produire de la mousse.
Il existe une grande variété d’émulseurs pour répondre de la manière la plus adaptée au risque rencontré. On trouve des émulseurs pour les feux hydrocarbure.
Il y a également des émulseurs « dit » polyvalents (AR = Alcohol resistant) qui sont destinés aux feux d’hydrocarbures et/ou aux feux de liquides polaires.
Et enfin des émulseurs pour les feux de classe A qui sont des feux « secs » qui mettent en jeu des matières comme le bois, le papier, le tissu, le caoutchouc, certains plastiques…

Le temps joue-t-il un rôle avec ce type d’extinction ?
Le temps de réaction est en effet important entre la double détection et le déclenchement du système. Ce temps pourra varier selon le type de risque. Trois minutes pour remplir une cellule en fonction des risques. Il faut donc installer le nombre de générateurs suffisant pour atteindre cet objectif.

Existe-t-il des émulseurs qui peuvent attaquer tous les types de feux ? Comment maintient-on ces installations ?
Une étude est nécessaire afin de voir la compatibilité des produits avec l’émulseur.
En ce qui concerne la maintenance, elle est assez similaire à celle des systèmes sprinkleurs. Il faut cependant veiller à vérifier tous les trois ans la qualité de l’émulseur qui peut se dégrader sous l’effet des UV ou des conditions climatiques.
Le point de vue d’un professionnel :
Gilles Mangialenti, Responsable département systèmes automatiques chez Desautel
« Bas, moyen ou haut : À chaque foisonnement une application précise »
« Les applications des mousses à foisonnement sont nombreuses. Rappelons qu’il existe trois types de foisonnement
– haut, moyen ou bas – qui ont des caractéristiques et des applications précises. Pour protéger des réservoirs de stockage d’hydrocarbures, on utilisera une mousse à bas foisonnement. On installera dans ce cas une couronne au sommet du réservoir avec de l’eau et un additif. Et dans la cuvette de rétention, on pourra installer des déversoirs à mousse. Autre exemple, le haut foisonnement est adapté au stockage en racks de produits inflammables ou d’archives. D’une manière générale, l’efficacité de la mousse (sa compatibilité avec le produit, la rapidité de l’extinction, sa non contamination par le produit, sa résistance à une réinflammation accidentelle) est totalement liée à l’émulseur qui a servi à la créer. On dispose aujourd’hui de différents types d’émulseurs (protéiniques, fluoroprotéiniques, synthétiques, AFFFs ou agent formant un film flottant, polyvalents…). C’est l’émulseur qui donne aux mousses leurs différentes propriétés. »