Vidéosurveillance  : la révolution numérique est en marche
probablement sous-estimé à cause de l’absence de déclarations notamment dans des lieux non ouverts au public. Pourtant, si le parc de caméras ne cesse d’augmenter, les installations, jusqu’à très récemment, restaient sur des solutions analogiques. L’apparition de systèmes hybrides, qui permettent une migration en douceur vers le tout numérique change la donne.
Il y a 935.000 caméras déclarées en France auprès de la Cnil, mais quelle part d’analogique et de numérique ? Difficile à dire. Si les nouvelles installations depuis 2013 se font de plus en plus en numérique, il n’en reste pas moins que le parc existant est très majoritairement analogique – sur les 40 millions de caméras installées dans le monde, 95 % seraient analogiques – et le passage au numérique semble plus lent en France que dans les autres pays d’Europe. « Défendre l’analogique en 2014 est à mon sens une hérésie, tonne Patrice Ferrant, le bouillant directeur commercial de Mobotix, société spécialisée dans les solutions de vidéosurveillance numérique. L’analogique a pratiquement disparu de notre environnement : télévision, téléphonie, informatique, écrans, etc. Nous baignons dans un univers numérique et curieusement, les quelques petites poches de résistance viennent de ceux qui devraient être à la pointe, du fait des exigences en nombre de pixels nécessaires dans une image pour reconnaitre un individu ou un véhicule ! Quant à l’argument sécurité d’un réseau analogique, il est clair qu’il ne tient pas la route : une simple surcharge électrique sur le câble coaxial d’une caméra analogique et vous pouvez dire adieu à votre enregistreur ! Une vulnérabilité dont les chargés de sécurité des sites sensibles n’ont pas toujours connaissance... »
Installateurs : de l’électricien à l’informaticien réseau
Cette résistance au numérique s’explique en partie par la nécessaire montée en compétence des installateurs. Si n’importe quel électricien est capable d’installer une caméra analogique et de la relier à un enregistreur, l’IP demande de tout autres compétences, et nécessite le recours à un informaticien réseau, chaque caméra étant un ordinateur avec ses spécificités, qui peuvent devenir dans certaines configurations très complexes. D’où l’intérêt de recourir à un installateur qui a fait ses preuves dans le domaine technique, mais qui est aussi à même de conseiller son client sur les exigences réglementaires, comme le souligne, Christian Chobeau, directeur commercial, de IP TEIC, installateur-intégrateur rémois : « Nous intervenons souvent suite à une installation défaillante, qui plus est, pas toujours conforme aux règles de protection des personnes et notamment de la CNIL. La facilité de déploiement a déversé sur le marché un certain nombre de sociétés ayant un savoir-faire approximatif, peu au fait des contraintes de la sûreté et des exigences réseau. D’où parfois, la non-prise en compte des contraintes d’architecture réseau, de bande passante avec des résultats peu satisfaisants en termes de sûreté et de fonctionnement. C’est pourquoi, les deux tiers de notre personnel sont des techniciens, et nous insistons sur la formation continue de façon à ce qu’analogiques ou numériques, les caméras soient posées dans les règles de l’art, aussi bien dans une TPE, que dans une grande entreprise. »
Le coût est-il toujours en faveur de l’analogique ?
L’analogique a la réputation d’être meilleur marché. Une réputation qu’il faut examiner à l’aune de tous les paramètres du système. Une installation analogique est habituellement jugée plus économique notamment lorsqu’il y a plusieurs caméras, mais il ne faut pas négliger le coût du tirage de câbles et les travaux que cela engendre, et qu’il faudra reprendre en cas d’ajouts ou de déplacements de caméras. L’installation du réseau numérique est beaucoup moins coûteuse en termes de mise place, surtout si le réseau informatique est existant, une grande partie des interventions et de la maintenance pouvant même se faire à distance. Les caméras sont certes encore un peu moins chères en analogique, mais comme tous les produits de haute technologie, les prix dégringolent à une vitesse grand V, et surtout les performances des caméras s’améliorent de jour en jour : là où il fallait trois caméras analogiques, il en suffira d’une numérique. En revanche, pour le numérique, il ne faut pas ignorer l’investissement indispensable dans un service informatique solide en adéquation avec son système et les fonctionnalités recherchées. Pour tirer parti de toutes les capacités d’une solution numérique, il faut que le système informatique soit à la hauteur et évolutif Une contrainte qui effraie de nombreuses PME, pourtant de mieux en mieux équipées en termes de réseau.
Les solutions hybrides
Alors, que faire pour les entreprises qui ont déjà un parc de caméras analogiques ? Dans une période plutôt économiquement difficile pour les entreprises et où la vidéoprotection est vue comme un centre de coût, est-il vraiment nécessaire de changer tout son système pour passer au numérique ? Une question à laquelle doit souvent répondre Christian Chobeau directeur commercial d’IP TEIC : « En tant qu’installateur-intégrateur de solutions de vidéo protection depuis 25  années, nous proposons les deux technologies. Les avantages de l’IP sont évidents, flexibilité, déploiement à moindre coût si l’entreprise dispose déjà d’un réseau LAN, des extensions facilitées, une gamme de fonctionnalités extrêmement étendue et qui va bien au-delà de la protection périmétrique. Est-ce à dire que l’analogique n’a plus sa place ? Sur une nouvelle installation, c’est indéniable, en revanche lorsqu’il existe un parc de caméras analogiques la question mérite réflexion. Tout d’abord certaines caméras de constructeurs reconnus et réputés mondialement enregistrent des images de qualité tout à fait remarquable. Ensuite, les besoins d’archivage et de stockage des images ne sont pas forcément en adéquation avec les capacités du réseau du client. Ce que nous conseillons, sur un site équipé en analogique, c’est de garder dans une première phase les capteurs optiques et d’investir dans des enregistreurs IP qui permettent d’intégrer plus facilement des outils d’analyse vidéo. Une évolution progressive et modulable à moindre coût. La pierre angulaire de cette transition repose d’ailleurs sur l’encodeur vidéo, parfois appelés serveur vidéo, constitué d’une puce de compression et d’un système d’exploitation permettant de convertir la vidéo analogique entrante en vidéo numérique, ainsi que de la transmettre et de l’enregistrer sur le réseau informatique, pour en faciliter l’accessibilité et la visualisation. Comme l’explique Axis communications « Choisi avec soin, un encodeur vidéo permet à un système équipé de caméras CCTV analogiques de proposer toutes les fonctions habituellement réservées aux systèmes sur IP. »
Où est la supériorité incontestée de l’IP ?
confirme Patrice Ferrand, directeur commercial de Mobotix, le numérique offre des produits qui allient qualité, intégrité et sécurité avec une gamme de fonctionnalités extensibles en fonction des besoins de sécurité du client. Qualité grâce à l’utilisation de capteurs CMOS au niveau des caméras, qui permettent des enregistrements d’images pouvant aller jusqu’à 5 Mégapixels dans des environnements de très faible luminosité. Les clients veulent pouvoir récupérer des images sur lesquelles ils disposent d’éléments tangibles ! Dans des conditions extérieures par exemple, la solution numérique a de vrais atouts (faible maintenance, qualité d’images avec au minimum 30 fois plus de détails que le CIF ou le PAL analogique). » Mais l’atout du numérique est sans conteste les fonctions d’analyse qui peuvent être associées (suivi de personne, alertes automatisée en cas de mouvement de personnes ou au contraire d’immobilité prolongée dans une zone donnée, comptages…) et la compatibilité avec d’autres services, (contrôle d’accès, sécurité incendie…). Une liste de fonctionnalités qui s’allonge chaque jour et qui laisse peu de place à l’avenir de l’analogique.
« L’encodeur vidéo, la clé du passage de l’analogique à l’IP »
Philippe Bénard, Ingénieur avant-vente, Axis communications
« Un grand opérateur dans le secteur des parkings nous a demandé de lui proposer une solution pour faire passer son système analogique vieillissant de vidéo-protection à l’ère numérique, sans exploser les coûts consacrés à la sûreté. Nous avons donc proposé une migration progressive qui dans un premier temps permettait de conserver l’ensemble du parc de caméras. Nous avons donc placé un convertisseur vidéo à lame Axis Q7436 à six canaux et à hautes performances pour des solutions serveurs vidéo sur racks. Il permet d’intégrer un grand nombre de caméras analogiques à un système de vidéosurveillance IP à haute densité et de les coupler avec de nouvelles caméras IP, à terme l’utilisation de la carte T8647 en remplacement de la carte Axis 7436 dans le rack permettra d’utiliser les câbles coaxiaux pour les utiliser des caméras IP sans recâblage. L’encodeur vidéo convertit et compresse les signaux analogiques en un flux de données exploitable par un système de gestion IP, la carte Axis T8647 permet de convertir de l’IP sur coax en IP sur Ethernet, le système étant ouvert, il est alors facile de rajouter des caméras en fonction des besoins des utilisateurs. Dans le cas des parkings, la priorité a été donnée à l’installation de caméras numériques en zone d’accès véhicules, avec bien souvent le remplacement de 2 analogiques par une numérique avec une résolution de 720P et la technologie WDR Dynamic Capture. Les plaques d’immatriculation sont formellement lisibles et nous pouvons reconnaître le chauffeur du véhicule et cela, même les phares allumés. Une caméra Fixe 5 Mpixels avec du tracking digital permet une meilleure exploitation de la bande passante tout en permettant la visualisation de grandes zones. Des caméras basse luminosité permettent en cas de très faible lumière (0,05 lux) d’obtenir des images exploitables sur le périmètre extérieur. Notre client a désormais des images couleur de bien meilleure qualité, une réduction de sa bande passante qui va dans le sens de la maîtrise des coûts et une concentration des informations sur un point central qui gèrent plusieurs parkings. »
« Les collectivités locales veulent du numérique »
Cédric Idir, Conducteur de travaux, support avant et après-vente, CIRCET, intégrateur-installateur
« Intégrateur et installateur de solutions en vidéoprotection et fortement implanté auprès des collectivités locales, nous percevons actuellement à travers les appels d’offres une demande quasi-exclusive d’installation de solutions IP, qui peuvent d’ailleurs passer par une phase mixte, avec utilisation d’un parc de caméras analogiques déjà existantes. Cela correspond clairement à des préoccupations sécuritaires et stratégiques des forces de l’ordre. La tendance actuelle est la surveillance de trafic routier en entrée et sortie de commune, avec la nécessité de reconnaitre plusieurs éléments clés, tels que la marque, modèle et couleur de véhicule, mais encore d’identifier les plaques d’immatriculation. Certaines collectivités et polices municipales optent, pour une question d’utilisation et d’efficacité, d’y associer une analyse vidéo complémentaire qui permet par exemple d’identifier automatiquement un véhicule signalé comme étant volé. Sur cette même approche, les caméras ont possibilités de procéder à la surveillance/disparition d’un objet suspect, surveiller un périmètre. Si les grandes villes s’équipent de caméras rotatives 360° pouvant zoomer sur une centaine de mètres à travers les lieux sensibles, de petites collectivités ne disposant pas d’opérateur 24h/24 s’équipent de  dispositif à moindre échelle, mais positionné en des lieux stratégiques.Bien que la technologie soit très prometteuse, nous sommes très vigilants sur la configuration du système, notamment sur la gestion de la bande passante et l’espace de stockage. Il faut que pour chaque interface IP, c’est-à-dire chaque caméra, la bande passante soit estimée en fonction de l’environnement dans lequel elle sera installée (fonctionnement sur détection de mouvement, les mouvements dans l’image, la résolution, et tenir compte également de la variation de luminosité). Une exigence qui nécessite de grandes connaissances en réseau IP, mais également sur les produits utilisés au quotidien. »
 3 questions à Maeyke Gielen,
Responsable marketing France, Honeywell Security Group
Comment expliquez-vous le retard des PME françaises dans l’adoption de solutions IP ?
Dans le contexte de crise que nous traversons depuis quelques années, les PME parent à l’essentiel. Bien souvent, elles n’étaient pas prêtes à investir alors que leur système analogique fonctionnait relativement bien. D’autant que les premières années, les systèmes étaient assez coûteux et nécessitaient l’intervention de spécialistes réseau, ce dont peu d’intégrateurs disposaient. Cela explique partiellement une certaine frilosité des PME vis-à-vis de l’IP. En revanche, les grandes entreprises, qui disposaient déjà de réseaux informatiques solides ont tout de suite vu le parti qu’elles pouvaient tirer d’un parc IP : d’une part, l’intégration aux autres systèmes de sûreté (contrôle d’accès, système anti-intrusion), de sécurité (incendie) ou de domotique (régulation  de température et de l’éclairage). De plus l’exploitation des vidéos devient facilitée grâce aux innovations logicielles d’analyse vidéo qui lèvent automatiquement des alertes dans des situations déterminées, (intrus, déplacement anormal de véhicule...), assistant ainsi grandement les gardiens ou les télé-surveilleurs.

Ce retard des PME est-il irrattrapable ?
Bien sûr que non ! Depuis 2 ans, nous assistons à une évolution fulgurante dans ce domaine, et les études de marché annoncent des taux de croissance de l’IP à usage sûreté de l’ordre de 15 % par an. Tout d’abord, les coûts. Les caméras numériques sont désormais abordables par de petites structures ainsi que les logiciels. Aujourd’hui, la plupart des PME ont un réseau informatique et le raccordement ne nécessite que peu de frais. De plus, les installateurs-intégrateurs sont de mieux en mieux formés aux systèmes IP et sont à même de répondre aux demandes. Enfin, il existe des solutions hybrides, telle que notre gamme d’enregistreurs Maxpro NVR Hybride, qui peuvent gérer simultanément des données analogiques et numériques et permettent de faire une migration en douceur : l’entreprise conserve son parc de caméras analogiques et peut le changer progressivement. Il faut souligner que les performances des caméras IP sont telles (rotation, zoom, résolution), qu’il n’est pas rare qu’une caméra numérique puisse en remplacer 3 ou 4 analogiques.

Quelles évolutions voyez-vous à terme ?
Prochainement, nous proposerons des solutions de stockage des données sur le cloud. Les données fortement sécurisées seront accessibles seulement par les personnes habilitées depuis n’importe quel terminal portable. Une évolution qui va dans le sens d’une plus grande flexibilité, d’une gestion optimale de l’espace de stockage et de la réduction de l’encombrement de la bande passante.
« Contrôler son système de vidéosurveillance depuis son téléphone, un vrai confort ! »
Marc Lascaux, Directeur d’exploitation, Hôtel Princesse Caroline, Paris
« Jusqu’au mois dernier, nous avions un système analogique, d’une qualité relativement médiocre. Pour un hôtel situé en pleine zone touristique, il est essentiel de pouvoir contrôler efficacement les entrées et les sorties des clients, mais aussi les prestataires et fournisseurs qui interviennent dans nos locaux. Le passage sur des caméras IP de chez Axis s’est fait en douceur, en intégrant 5 caméras indispensables au contrôle de la réception, puis nous avons profité d’une rénovation de notre système de climatisation pour poser le câblage, et nous remplaçons progressivement les caméras analogiques dans les 7 étages. À terme, une quinzaine de caméras numériques veilleront sur les espaces communs de l’hôtel. J’apprécie tout particulièrement la rapidité avec laquelle je peux faire la recherche d’événements sur la base de la détection de mouvement, et le fait de pouvoir contrôler à distance à partir de mon smartphone. Par ailleurs, l’entrée du lobby est désormais couverte avec une seule caméra, alors qu’auparavant, il en fallait 4. La qualité des images s’est grandement améliorée, et nous avons placé un poste de contrôle à l’accueil, visible des visiteurs, qui peuvent se reconnaitre : un effet dissuasif indéniable ! »