Fiable et sans trace, la biométrie de la main
Fiables et efficaces, mais mal connues, les technologies de contrôle d’accès biométriques de la main peinent à trouver leur public. Pourtant, les quelques entreprises qui ont sauté le pas ne tarissent pas d’éloges sur la performance et la simplicité de mise en œuvre.
Tous les responsables de sûreté le reconnaissent : le badge ne certifie en aucune manière que le porteur est bien la personne habilitée à pénétrer dans un périmètre contrôlé. Pourtant, depuis quelques années, la biométrie offre des outils d’authentification très performants comme les lecteurs d’empreintes digitales. À côté de ces derniers, les lecteurs qui s’appuient sur la biométrie de la main, présentent l’avantage d’utiliser des systèmes dits « sans trace » : la personne ne laisse sur le lecteur aucune « trace reproductible » de son passage et court ainsi peu de risques d’usurpation d’identité. Un élément dont tient compte la CNIL, puisque la commission a mis en place, pour ces dispositifs, l’autorisation unique qui simplifie grandement les démarches. Ce que confirme Gérard Dubois, responsable de la sécurité de la Sorbonne, utilisateur de lecteur biométrique depuis deux ans : « La demande d’autorisation est assez simple. Il est, par ailleurs, nécessaire d’informer le personnel, mais lorsque nous avons expliqué les enjeux en termes de sécurité, l’accueil a tout de suite été très favorable. » Et si peu d’entreprises passent au contrôle d’accès par biométrie de la main, elles sont rapidement convaincues par l’efficacité du système. Aujourd’hui, deux technologies se partagent le marché, les lecteurs par volumétrie de la main et ceux par reconnaissance du réseau veineux palmaire. Leur similarité : relever sur ou dans la main un ensemble de paramètres qui vont être transformés en une clé biométrique unique, inutilisable hors du lecteur, pour authentifier un individu, et ce, quel que soit l’état de la main.
Volumétrie : 90 points de mesure pour ouvrir l’accès
Le premier système va s’intéresser à la morphologie de la main, et prendre différentes mesures, qui seront uniques chez chaque individu. Pour Pascal Lentes, président d’Abiova, fournisseur de solutions biométriques, le système de contrôle par volumétrie de la main Handkey II ne présente pratiquement que des avantages. « Des caméras vont mesurer 90 cotes de la main en 3D (longueur, largeur et épaisseur des doigts) et un algorithme va les traduire en une clé biométrique, puis les mettre en relation avec le code tapé par l’utilisateur pour accorder l’accès. Un lecteur permet d’authentifier rapidement jusqu’à 32 500 personnes et avec un taux de faux rejets minimes et, à ma connaissance, pas de fausses acceptations. Indépendant de l’état de salissure de la main (peintures, graisses, poussières…), il peut être placé en extérieur (chantiers) ou dans des environnements difficiles, comme des abattoirs, des laminoirs… Une fiabilité qui a aussi conquis l’administration pénitentiaire, pour lutter contre les tentatives d’évasion par usurpation d’identité dans les parloirs. Mais les domaines d’application de cette solution ne se limitent pas aux applications industrielles ou gourvernementales. Elle épond aussi à des besoins aussi variés que l’accès à des vestiaires, des réserves de musée ou des cantines. Un défaut, peut-être ? Le design pourrait sans doute être amélioré. »
Examens : est-ce bien le bon candidat ?
Le système de biométrie du réseau veineux, lui ne va pas chercher ses cotes à l’extérieur, mais bien à l’intérieur de la main grâce à l’infra-rouge. Un système qui ne trouve pas uniquement sa place dans l’accès aux locaux « sensibles », comme le démontre l’utilisation au niveau mondial dans les centres de passation des tests GMAT (graduate management admission test), un examen indispensable pour entrer dans les grandes écoles de commerce internationales. « Au départ les exigences du GMAT avec un lecteur de veine palmaire, nous semblaient disproportionnées, se défend Thierry Lartigue, responsable informatique du centre Nantais de passation de tests. Mais on s’est rendu compte que l’imagination des fraudeurs est sans limite, le risque le plus fréquent étant l’usurpation d’identité. À l’accueil, on associe l’identité et la paume lors de l’enrôlement et à l’entrée de la salle, le lecteur, un Palm Vein de Fujitsu prend une image infrarouge du réseau et la compare avec celle qui a été enregistrée : la correspondance autorise l’accès à la salle d’examen. »
Parole d’expert : Alain Choukroun, Dirigeant de Zalix
« Le système le plus fiable du monde »
« Nous diffusons le VeinAccess II, qui d’après le fabricant, Fujitsu, serait le lecteur biométrique le plus sécure au monde ! Des caméras vont relever le réseau veineux de la paume de la main placée dans un faisceau infra-rouge, à quelques cm des capteurs. Comme, il s’agit des veines, ce type de lecteur est indépendant de l’état de la main,
et permet une authentification très précise. Il s’agit bien d’un dispositif sans trace, puisqu’aucune photo n’est prise. Mais les données biométriques sont transformées en clé d’authentification de 2 500 caractères. Il est parfaitement adapté à des flux moyens – le temps de lecture est de 2 s – sur des sites nécessitant
un fort contrôle. C’est par essence, le lecteur adapté  aux sièges d’entreprise, aux data centers et aux laboratoires de haute sécurité. Facile d’installation, alimenté par 12 volts, il peut être intégré à une architecture existante ou fonctionner de manière autonome permettant de maintenir la sécurité localement en cas de défaillance du système central. »
Parole d’expert : Pascal Lentes, Président d’Abiova
« La biométrie permet de lutter contre la hantise du “passe-partout” perdu »
« Quel  point commun entre le directeur général, l’agent de sécurité et la femme de ménage ? Dans beaucoup d’entreprises, leur badge permet d’ouvrir toutes les portes 24/24 h ! Et le badge “passe-partout” perdu ou volé et non signalé peut alors s’avérer une arme bien dangereuse en termes de sécurité, s’il tombe entre des mains mal intentionnées... Et dans ces cas-là, la solution ne se trouve pas dans le logiciel d’accès, puisque le badge est tout à fait valide. D’un autre côté, il n’est pas rationnel d’équiper toutes les portes d’un site d’un contrôle biométrique, du parking à la cantine en passant par la salle informatique. C’est pour répondre à cette demande que nous avons développé le badge biométrique Biocard. Il s’agit d’un badge qui peut être lu par les lecteurs de l’entreprise, quels qu’ils soient, mais il ne peut être activé que par reconnaissance d’empreintes du porteur légitime »
Le scolaire, pionnier de la volumétrie de la main
Pour Pierre Benguigui, directeur d’Alise, société spécialisée depuis 22 ans dans la gestion d’accès aux restaurants scolaires, la biométrie s’est imposée comme une évidence. « La gestion des cartes d’accès, entre les pertes, les oublis et les échanges, est un véritable cauchemar pour les établissements scolaires. Et ne parlons pas du recyclage des cartes plastiques ! Aujourd’hui, ceux qui sont passés à la biométrie nous remercient chaque jour ! » La société a depuis 2005, installé des lecteurs Handkey (volumétrie de la main) dans 550 de ses 2 500 collèges et lycées clients. Les élèves présentent leur main au lecteur et tapent leur code : l’accès aux frites leur est assuré ! Proposer ce système biométrique dans le scolaire a été guidé par des critères rationnels, nous précise Pierre Benguigui, « disposer d’un système d’authentification fiable, très rapide, peu coûteux et en conformité avec la CNIL pour la protection de données personnelles. Des informations numériques permettant de reconstituer des images de main ne sont pas des données “sensibles”. En effet, les formalités sont simples avec l’autorisation unique (CNIL AU009). Cependant, pour ceux qui refusent que la biométrie de leur main soit enregistrée (environ 2 %), conformément à la loi, les lecteurs permettent d’utiliser un badge classique. »
Au lycée Rodin, pour déjeuner, on tend la main
Sabrina Lopez attachée d’intendance au lycée Rodin à Paris : « Les centaines de badges perdus, oubliés mobilisaient quotidiennement une personne pendant plusieurs heures pour rentrer les données manuellement dans le système. Sans compter les prêts de badges entre élèves qui entraînaient des litiges avec les parents au moment de la facturation ! Installée depuis 2006, la gestion de l’accès au restaurant par volumétrie de la main nous a réellement soulagés. De plus, les élèves adorent le côté Hi-tech ! Un système fiable, rapide, très bien accepté par les parents (95 % des 1 000 demi-pensionnaires l’utilisent). La seule défaillance est inhérente à notre public adolescent : les poussées de croissance pendant les vacances sont parfois telles, qu’à la rentrée, la main de l’élève n’est plus reconnue ! Il faut alors la re-paramétrer pour une nouvelle année scolaire. »
Législation : l’usage de la biométrie bientôt limité ?
La proposition de loi du sénateur de la Nièvre, Gaëtan Gorce, du 29 mai 2014, visant à limiter les usages de la biométrie à une nécessité de sécurité ne va pas sans susciter quelques remous. Alise, société spécialisée dans l’accès aux cantines scolaires par la volumétrie de la main, a lancé une pétition pour s’y opposer, même si comme le reconnait Pierre Benguigui, président d’Alise « La proposition n’est pas dans sa version définitive et il devrait y avoir des aménagements. C’est pourquoi il est important d’agir maintenant pour faire connaître notre position : toutes les biométries ne se valent pas en termes de sécurité ». La Biometrics Alliance Initiative, qui regroupe un certain nombre d’acteurs de la biométrie, fabricants et utilisateurs, suit elle-aussi de près cette nouvelle disposition qui devrait être discutée au parlement prochainement. « J’ai suivi attentivement les débats, explique André Delaforge, président de BAI. Cette proposition a le mérite d’engager une réflexion sur les technologies biométriques. Compte tenu de la profusion d’applications biométriques qui voient le jour, dans des domaines très variés, il est bon de se poser un certain nombre de questions : quel est le périmètre d’utilisation ? Les données sont-elles conservées de façon sécurisée et par qui ? Que peut-on en faire ? Pour notre groupement, il est primordial que chaque personne puisse garder la main sur ses données, que l’utilisation soit consentie et qu’il y ait toujours une alternative possible. Par ailleurs, il est clair que les sénateurs ont tout à fait conscience de l’importance économique de ces technologies dans un environnement concurrentiel international. La législation doit protéger l’individu, mais ne doit pas être un frein à l’innovation. Enfin en tant que BAI, il nous semble important que la profession autant que le législateur travaillent sur l’élaboration de standards non propriétaires, de type ISO. Cela permettrait une plus grande transparence et serait moteur en termes d’innovation tout en assurant la confidentialité des données qui nous tient à cœur. » Alors limitation ou non ? La réponse au parlement d’ici quelques mois.